Architecture des sanatoria
d'après Jean Dumarest et Philippe Grandvoinnet
Les anciens sanatoriums de cure constituent un élément majeur du patrimoine architectural du XXe siècle. Ils incarnent le renouveau d’une architecture hospitalière pour laquelle le malade est devenu l’élément central du projet médical. Les sanatoriums ont ainsi été pendant un demi-siècle un lieu privilégié d’innovation en matière de médecine et d’architecture.
Construits pour la plupart entre les années 1900 et 1950, ces établissements présentent des dispositions architecturales caractéristiques, propres au traitement de la tuberculose pulmonaire :
Elle oppose une façade sud thérapeutique à une façade nord dévolue aux services, des corps de bâtiment peu épais conçus pour faciliter la pénétration de l’air et de la lumière, un développement longitudinal accentué par la présence de galeries de cure.
La configuration du sanatorium Mangini est en grande partie basée sur les dispositifs adoptés dans les établissements étrangers , notamment celui de Heiligenschwendi (Berne), visités par Frédéric Dumarest. Il mit notamment en application quelques prescriptions de base : "les façades occupées par les chambres des malades doivent être exposées au sud ou sud-ouest. Le long de ces façades, devront courir des marquises ou vérandas, où les malades sédentaires, étendus sur des chaises longues, pourront être soumis à la cure d’air au repos, telle que la pratiquent Dettweiler et Sabourin".
On retrouve une forme en arc de cercle concave vers le sud pour protéger les galeries extérieures des vents froids : F. Dumarest considérait le vent comme un "ennemi redoutable du malade", notamment parce qu’il provoquait un refroidissement cutané.
Pour rendre accessible son établissement aux bourses moyennes, F.Dumarest limite les prestations aux seuls éléments exigés par la cure, sans pour autant "sacrifier les conditions de confort pratique, de désinfection facile, et aussi d’agrément, nécessaires au succès médical" de l’établissement.
Inauguré en 1900 le sanatorium d’Hauteville comptait 120 lits, en chambre, au début de 1 à 4 lits, répartis en trois bâtiments : un corps central (abritant les services généraux) de deux étages sur rez-de-chaussée et deux ailes latérales d’un étage sur rez-de-chaussée terminées chacune par un pavillon carré : l’une était réservée aux femmes, l’autre aux hommes. Les galeries de cures, construites en bois, étaient adossées au rez-de-chaussée. Le sanatorium était complété par une petite station météorologique permettant de renseigner le corps médical sur les variations climatiques locales et par un "institut scientifique" dirigé par le médecin Louis Guinard jusqu’à sa nomination à la tête du sanatorium de Bligny en 1903.
Les matériaux de revêtement participaient aussi au décor : s’ils étaient choisis avant tout pour leur solidité et leur résistance à la désinfection, le grès cérame, le granito ou le linoléum offraient également une variété infinie de teintes et de motifs décoratifs. Ces éléments constituaient l’essentiel de la décoration intérieure des établissements qui, loin d’exprimer une asepsie austère, se paraient d’une sorte de luxe discret.
Frédéric Dumarest souhaita construire un nouvel établissement pour sa clientèle privée. En 1909, il se rendit une nouvelle fois en Suisse et en Allemagne avec l’architecte Curny. Pour la première fois en France, ils adoptèrent le dispositif, courant dans les établissements privés suisse, du balcon individuel de cure situé dans le prolongement extérieur de la chambre. L’établissement offre un plan rationnel constitué de quatre étages de chambres encadrés latéralement par deux avant-corps peu saillants occupés par des petits «appartements» constitués d’une chambre de malade au sud et d’une chambre d’accompagnant au nord.
À partir de 1920 en France, en Italie et dans le sud de l’Europe, les grands sanatoriums publics adoptent un plan classique en T inversé formé d’une longue aile d’hospitalisation exposée au sud et d’une aile transversale de services orientée au nord. Alors que la chambre individuelle représente un standard dans les sanatoriums privés, les malades sont logés en dortoirs de trois à huit lits dans la plupart des sanatoriums populaires. Cela se traduit dans leur architecture par des modules de façade plus larges et des compositions plus étalées du fait de la grande capacité de ces établissements qui peuvent atteindre cinq cents lits.
Après la reconversion massive des années 1960 et 1970, beaucoup de sanatoriums sont aujourd’hui confrontés à la remise en question de leur vocation médicale. Les nombreux projets de reconversion se heurtent à l’enclavement de certains sites de montagne et aux dimensions parfois exceptionnelles des bâtiments. Des interventions lourdes ont conduit à dénaturer certains édifices moins reconnus mais qui présentaient d’indéniables qualités architecturales et paysagères. Beaucoup d'entre eux ont aussi été démolis ou ont fait l’objet de restructurations lourdes qui ont conduit à la perte de leur cohérence d’origine ou d’une part importante de leur substance bâtie, dans le déni complet de leur spécificité climatique.
Les projets de démolition attestent de la difficulté à valoriser, d'un point de vue économique, architectural et culturel, le patrimoine sanatorial.
Hauteville doit son essor à l'installation des sanatoriums ; ils constituent l'essentiel du patrimoine bâti de la localité dont l'histoire, au cours du XXe siècle, est indissociable du mouvement sanatorial. Les dimensions parfois gigantesques de ces bâtiments, le caractère atypique de ces établissements hospitaliers non urbains, les difficultés techniques et financières posées par leur mise aux normes s'opposent fréquemment à la définition de projets de réhabilitation.
Ces destructions s’expliquent par l’absence d’inventaire méthodique de ce qui n’était pas encore identifié comme un patrimoine à préserver. La création, en 1999, du label " Patrimoine du XXe siècle" par le ministère de la Culture et de la Communication a contribué à faire évoluer le regard porté sur ces bâtiments.
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