Bacs, fontaines et lavoirs
Quand l'homme allait à l'eau
Au Moyen-Âge, on allait puiser l'eau dans les puits [voir le cahier du Dreffia n°27, Chaine des puits (à Longecombe) ] et les rivières. Les grands monastères et les châteaux, pour leur part, la faisaient venir à eux en détournant des sources ou en réalisant des aqueducs.
Quelques siècle plus tard, alors que l'eau courante dans les maisons n'existait pas encore, des lavoirs sont construits. Nous sommes en 1850. À cette époque, l’homme maitrise le captage de l’eau, mais pas sa canalisation sur de longues distances. Les canalisations présentent de trop nombreux problèmes d’installation, d’entretien et de financement. Les premières conduites d’eau pour l’usage domestique n’apparaissent qu’au XXe siècle. Auparavant c’est l’homme qui vient à l’eau et non l’inverse.
Il nous en reste un très intéressant et beau patrimoine parfois réalisé par des architectes renommés, surprenant aujourd’hui les touristes qui les découvrent.
C'est principalement sous l’impulsion d'un fort mouvement hygiéniste que se développe la construction de lavoirs aménagés et fonctionnels C'est en effet à cette époque que l'on prend conscience du fait que l'utilisation indifférenciée des points d'eau favorisent les épidémies de choléra, variole et typhoïde qui sévissent encore trop souvent. En relativement peu de temps, on ne considère plus ces épidémies comme des punitions du ciel.
Veiller à la pureté de l'eau devient alors un impératif. L'urgence est telle que l'Assemblée législative instaure un crédit spécial pour subventionner la construction des lavoirs publics. Dès lors, les constructions de fontaines, puits, abreuvoirs et lavoirs vont se multiplier dans nos villes et nos campagnes, sous le second Empire et sous la 3ème République. C'est également à cette époque que villes et villages déplacent le cimetière, élargissent les rues, améliorent les chemins ruraux "Tout est à faire".
Les lavoirs sont construits selon une procédure définie par la loi. Cette procédure réglementée explique une relative similitude de conception et de matériaux entre les lavoirs bâtis à cette époque. Toutefois, une forte émulation entre maitres d’ouvrage, conjuguée à une réalisation soignée ont contribué à la construction de bâtiments certes fonctionnels mais aussi parfois décoratifs ...
Un des objectif était aussi de faciliter le travail des lavandières. Le lavage du linge est une tâche longue et fastidieuse, c’est pourquoi la localisation du lavoir se veut souvent centrale dans le village ou dans chaque quartier pour faciliter le déplacement des femmes. Il était aussi l'endroit où les femmes se rencontraient et échangeaient les dernières nouvelles du village.
Leur édification permettait également d’édifier un bâtiment de qualité à l'honneur de la commune. Considérés comme indispensables à la vie de la cité, ces nouveaux temples de l'eau valorisaient - voire "sacralisaient" - les tâches répétitives et épuisantes des lavandières.
De tailles très variables selon les besoins des communautés, le lavoir peut être accolé à une fontaine ou indépendant. Il peut être couvert ou bien ouvert, situé en plein cœur du village ou à sa périphérie, dans la proche campagne près d’une source ou au bord d’un ruisseau.
Très souvent, il est formé de 2 bassins : l’un pour le lavage et l’autre pour le rinçage. C'est ce dernier qui reçoit l’arrivée d’eau. Et cela se comprend, car l’eau doit être bien propre pour bien rincer !
La sur-verse des lavoirs irriguait alors les jardins potagers souvent situés en contrebas.
La lessive du gros linge à la cendre (La grande bouïa) étaient un lourd travail pour les femmes.
Tandis que les premières étapes de la lessive, se déroulent dans les habitations ou les buanderies et ne demandent que quelques seaux, le rinçage, qui requiert des quantités d’eau propre très importantes, s'effectue au lavoir où le linge est transporté à la brouette.
La grande lessive, la bouïa en langue francoprovençale
Extraits d'un film tourné en 1994 avec la complicité d'habitants du village de Cormaranche par Gaby Savey
L’arrivée de nouveaux procédés au tournant du XXe siècle fait évoluer les pratiques. La cendre est remplacée par le savon de Marseille et la multiplication des adductions d’eau, durant les années 1930 – 1960, marquent le déclin des lavoirs. À l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, l’arrivée de l’électricité et du gaz, l’invention de la machine à laver marquent l’abandon définitif des lavoirs.