Les Monuments aux Morts
Les monuments aux morts n’existent quasiment pas avant le XIXe siècle.
Ceux de la guerre de 1870 sont peu nombreux en France en comparaison à ceux commémorant les morts de la Première Guerre Mondiale. Les premiers ont été élevés à partir des années 1875. Ils sont
intéressants car tous différents, réalisés souvent par des artistes affirmés, à l'âge d'or de la sculpture de la fin XIXe siècle, et comporte rarement les noms des combattants contrairement aux
monuments de la guerre de 1914-18 produits en série.
Le premier monument de la guerre franco-allemande de 1870, situé à Mars-la-Tour en Meurthe-et-Moselle, commémore les soldats français tombés lors des combats
des 16 et 18 août 1870. Sculpté par Frédéric-Louis-Désiré Bogino, ce monument devient très vite le support d’un culte des morts et d’un tourisme mémoriel. Tous les ans, jusqu’en 1914, des
cérémonies entretiennent le souvenir des disparus et attirent des milliers de participants. Le monument de Mars-la-Tour a la particularité de se situer à moins d’un kilomètre de la frontière qui
sépare la France de l’Allemagne entre 1871 et 1918.
Les Héros de pierre de 14-18
C’est juste au sortir du conflit que sont érigés partout en France des monuments aux morts de la Grande Guerre ; dans chaque ville, chaque village, là où ces hommes vivaient et travaillaient. Sur les champs de batailles, là où ils sont tombés, leurs restes reposent dans de grands cimetières et ossuaires. Chacun des morts a droit à son nom gravé publiquement dans sa commune, mais aussi dans son entreprise, son école, sa paroisse... Et les pièces principales de millions de foyers se transforment en autels familiaux où l’on expose photographies et souvenirs. Si le monument aux morts est bien souvent le lieu de l’identification avec les héros et le lieu de la justification de leur sacrifice, il est d’abord ce que les sculpteurs ont fait de la commande publique et ce que les participants aux cérémonies feront ensuite de leurs œuvres.
Pour ce monument, on a choisi dans la plupart des cas une stèle, souvent obélisque, du type de celles qui ornaient jusque-là les tombes des cimetières. Ces monuments sont les moins chers et conviennent à l’esprit du temps, celui du deuil.
Les inscriptions permettent l’identification exhaustive, individuelle et nominative de chaque mort au combat et, parallèlement, une commémoration collective du conflit, via le symbole de la liste, de l’énumération. Les plus nombreuses de ces épitaphes marquent la reconnaissance pour l’énorme sacrifice. La liste des morts, deuxième élément de l’inscription, complète l’impression funèbre. L’ordre alphabétique généralement choisi renforce l’uniformité, proche de celle des cimetières militaires où reposent les corps.
Les statues de soldats se multiplient, faisant revivre parmi les leurs, des hommes originaires d’un lieu de naissance ou de résidence, de travail, d’une affection issue de liens familiaux, scolaires, religieux, politiques. Debout sur leur piédestal, les combattants sont voués à continuer pour l’éternité le combat exemplaire, vertueux, pour lequel ils ont donné leur vie. Leur guerre est aseptisée : pas de boue, pas de poux, pas de sang ; ils sont propres et frais comme des soldats de plomb ; un monument aux morts (...) " où le soldat mourait debout, sans déranger un pli de sa capote, sans lâcher le drapeau qu’il maintenait sur son cœur" (Capitaine Conan, 1934, Roger Vercel).
Les sculptures en pierre et en bronze racontent le conflit, l'union sacrée ; il a fallu croire, combattre et travailler, pour tenir dans la guerre. La patrie est représentée par un coq à Hauteville (celui de Thézillieu a été ajouté après le conflit de 39-45) ou encore une femme avec un bonnet phrygien à Champdor ; le conflit par le combattant, la croix de guerre ou des grenades enflammées, l'ennemi vaincu etc. Bien souvent, mais ce n'est pas le cas sur le plateau, au pied du monument, les civils, vieillards, femmes ou enfants, observent l’exemple du soldat ou vaquent à leurs tâches quotidiennes, celles de l’arrière, où ils "tiennent".
La grande majorité des monuments aux morts a été commandée à des entreprises spécialisées, qui les produisaient en série. Ces maisons éditaient même des albums où le client pouvait choisir son modèle. Une véritable politique de démarchage permettait aux grands marbriers de diffuser leur production. Signe de leur succès, les marbriers furent souvent débordés de travail.
Avec la Seconde Guerre mondiale, la Guerre d'Algérie et le conflit d’Indochine, de nouvelles plaques ou de nouvelles inscriptions sont fréquemment apposée sur le monument aux morts érigé pour la guerre précédente. Dès lors, les monuments aux morts ne sont plus nécessairement l’apanage d’une seule guerre et les nouveaux monuments sont implantés en dehors du périmètre de la mairie, de l'église ou du cimetière.
Les plaques et monuments commémoratifs des conflits contemporains sont pour la plupart du temps dédiés à des groupes distincts, ici : Combattants, Déportés, Fusillés, Résistants . Cette tendance à distinguer les acteurs selon des identités autres que celle de "soldats" ou de "combattants" est en fait une étape importante de la modification dans la façon dont sont conçu et réalisé les espaces mémoriels.